Posté par Christian Gambotti, le 12 juillet 2025
Par le Pr Christian Gambotti - Agrégé de l’Université, Président du think tank Afrique & Partage, Président du CERAD (Centre d’Études et de Recherches sur l’Afrique de Demain), Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan), Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact email : cg@afriquepartage.org
La diplomatie transactionnelle : des coups de téléphone et du commerce
Le regard que Trump porte sur l’Afrique a changé. Désormais, Trump s’intéresse au continent. Dans le flot des nominations plutôt baroques à la Maison blanche, certains se sont étonnés de la nomination du père de l’un de ses gendres au poste de conseiller pour l’Afrique, Massad Boulos. Le lien familial ne suffit pas à expliquer le choix de Massad Boulos. Ce dernier coche toutes les cases du trumpisme en matière de politique étrangère : ce n’est pas un diplomate, mais un homme d’affaires américano-libanais, parfaitement francophone, qui a réussi et fait fortune dans la vente d’automobiles au Nigeria ; loin des codes de la diplomatie traditionnelle, lente et inefficace. Trump a demandé à Massad Boulos de mettre en œuvre en Afrique, la diplomatie directe, transactionnelle ou commerciale : soutien des États-Unis en échange d’accords commerciaux dans un cadre bilatéral. Massad Boulos a été le principal artisan de l’accord de paix conclu le 27 juin 2025, à Washington, entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Si Massad Boulos a déclaré « Il était temps que les États-Unis aident à mettre un terme à la guerre dans l’Est de la RDC », il faut comprendre « il était temps que les Etats-Unis s’intéresse à l’Afrique ». Diplomatie directe et pression commerciale ont permis la signature d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda. Il s’agit du premier succès de la diplomatie directe trumpienne sur la scène internationale et ce succès s’obtient en Afrique. Autre succès de Trump, son action pour éviter la guerre entre l’Inde et la Pakistan, deux puissances nucléaires. Trump, triomphant, a déclaré : « J'ai empêché une guerre entre l'Inde et le Pakistan, et je l'ai fait avec le commerce. J'ai stoppé cette guerre avec des coups de téléphone et du commerce. »
La diplomatie transactionnelle, la solution de Trump
pour financer le développement de l’Afrique et construire la paix
Trump a eu le mérite de sortir de l’oubli la guerre dans les provinces de l’Est de la RDC. Il a obligé le Rwanda et la RDC à s’asseoir à la table des négociations et signer un accord de paix, ce que les Nations Unies n’ont jamais pu faire. Depuis des décennies, dans les provinces de l’Est de la RDC (les deux Kivus), les ressources minières sont au cœur d’un système complexe mêlant conflits armés, contrebande transfrontalière et stratégies économiques régionales qui profitent à des États et à des groupes armés. La diplomatie multilatérale onusienne est impuissante. D’ailleurs, les États-Unis de Donald Trump ont refusé de participer à la quatrième conférence des Nations Unies sur le financement du développement des pays du Sud, dont l’Afrique est le symbole. Cette quatrième conférence des Nations unies, qui s’est tenue à Séville du 30 juin au 3 juillet 2025, représente ce que Trump récuse, le multilatéralisme et l’organisation de Sommets dont les compromis finaux accumulent un paquet de décisions qui ne font que masquer les échecs de la vieille diplomatie.
D’ailleurs, Trump refuse d’organiser un Sommet Afrique-États-Unis. En rupture avec le contexte des grandes rencontres multilatérales habituelles, il a fait le choix de recevoir, du 9 au 11 juillet, à Washington, pour aborder les questions commerciales, sécuritaires et migratoires, 5 chefs d’État africains : les présidents Joseph Boakai du Libéria, Bassirou Diomaye Faye du Sénégal, Mohamed Ould Cheikh el Ghazouani de la Mauritanie, Brice Clotaire Oligui Nguema du Gabon et Umaro Sissoco Embaló de la Guinée-Bissau. Le choix de ces cinq États n’est pas dû au hasard : il s’agit de pays riches en minerais stratégiques, dont une grande partie reste sous-exploitée. Si Trump s’intéresse à ces 5 pays, qui ne sont pas des géants économiques, c’est pour contrer sur le continent la présence de la Chine dans le secteur des mines. Face à la dégradation du climat géopolitique et à l’intensité de la guerre commerciale planétaire imposée par Trump, Pékin, qui souhaite sécuriser ses approvisionnements, multiplie, à travers ses géants miniers, les acquisitions de mines en Afrique. Trump ne pouvait que réagir.
Trump totalement engagé sur le continent africain
(1) Plutôt que des opportunités économiques incroyables, l’Afrique, qui a pris du retard dans son développement, représente ce laboratoire à ciel ouvert permettant à Trump d’expérimenter la diplomatie transactionnelle qui impose à chaque État l’ouverture de négociations commerciales avec les États-Unis. La première initiative de Trump en Afrique et son premier succès diplomatique est la signature d’un accord de paix entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda sur fond d’accords miniers entre les États-Unis, la RDC et le Rwanda, les entreprises américaines investissant dans les deux pays. La deuxième initiative est la réception à la Maison blanche des 5 chefs d’État africains, dont les pays sont riches en minerais et en « terres rares » indispensables aux chaînes d’approvisionnement américaines dans les filières électroniques et la transition énergétique. Alors que la Chine a pris le contrôle des mines de la RDC, de la Zambie, du Zimbabwe, du Botswana et du Sahel, les richesses minières de ces 5 États africains, encore sous-exploitées, sont désormais la cible de Washington. La liste est longue des richesses minières encore sous-exploitées dans les 5 pays dont les Chefs d’État ont été reçus par Trump. Lors de cette rencontre avec Trump, le Gabon est, pour l’instant, le seul des 5 pays à avoir signé un accord minier (exploitation du gisement de potasse de Mayumba).
On attend la liste des prochains chefs d’État africains qui seront invités à Washington. Ils seront reçus dans la Bureau ovale de la Maison blanche dans une mise en scène façon Trump, qui, avec sa brutalité habituelle et sa gestion du temps, au milieu de propos décousus et traits d’humour imprévisibles, dira « Soyons brefs, concis, allez droit au but », se plaçant en posture d’acheteur de minerais. Inutile, pour chaque chef d’État africain de parler développement de son pays. Il lui suffira de dresser la liste de ses richesses minières et de bien négocier les partenariats « gagnants-gagnants ». Trump a le mérite de faire ce qu’il dit. Si les Etats africains sont capables de préserver leur souveraineté sur les richesses de leur sous-sol, notamment par la transformation locale, ils peuvent tirer profit de cette diplomatie transactionnelle, levier de l’engagement stratégique de Trump en Afrique. Dans le grand échiquier géopolitique international, lors de leur dernier Sommet à Rio (6 et 7 juillet), les Brics+ (11 États) sont apparus très divisés sur l’attitude à avoir face aux États-Unis, ce qui permet à Trump de déployer sa stratégie de reconquête de l’Afrique par des coups de téléphone et du commerce.
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12/07/2025 à 08:21
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